Je suis paysanne depuis 40 ans et de
tradition paysanne depuis plusieurs générations. Je suis titulaire d’un brevet
de technicien agricole (BTAG), d’un brevet d’aptitude professionnel d’assistant
animateur technicien, option environnement (BAPAAT), animatrice en agroécologie, formée à « Terre
et Humanisme ».
Ma longue pratique et observation de
l’agriculture dans les diverses productions
m’ont amené à constater qu’il est urgent de changer de cap, de
transformer nos pratiques culturales pour préserver
nos sols mais aussi l’ensemble de la vie sur Terre.
En Janvier 2012 après
avoir acheté un terrain agricole de 2ha 3 à Tourves dans le Var (en mai 2015 il
s’est agrandit de 4000m de bois), je débute le développement du jardin-forêt des étangs.
De nombreuses personnes m’ont inspiré dans
cette création : Mes deux filles, Dominique Vincent : Le Jeu du
Roi/Reine (osez votre leadership, c’est votre droit de naissance), Eric
Escoffier: « Permaculture et reforestation sans frontière »
Daniele Ori : AGROOF société spécialisée dans l’agroforesterie,
Sophie Dragon : Agribiovar, les Indiens kogis, les paysans sans Terre,
mais aussi toute personne que je rencontre.
80% de la biomasse devrait
se trouver dans le sol. Aujourd’hui, dans la plupart des terres agricoles
françaises et au niveau mondial également,
la matière organique est souvent de 3 à 4% ce qui est le taux auxquels
l’on considère qu’une terre est en voie de désertification. Les labours et le
travail mécanique du sol, les apports d’engrais chimiques et organiques,
(certains «exploitants» utilisent six fois plus d’engrais organique que
nécessaire sur leurs légumes) les monocultures de vignes, de fruitiers, de
légumes, les élevages intensifs (3 milliards de bovins sur la planète)…
épuisent les sols et perturbent les
cycles de l’eau et des différents éléments.
La situation mondiale est
telle que sur les 12/48ème d’écorce terrestre émergée, surface que
nous avons à notre disposition pour vivre, il nous reste 1/48ème
pour faire pousser notre nourriture sans avoir encore à apporter d’engrais. Le
plus souvent donc nous cultivons hors sol.
Le sol est la matrice de
nombreuse vies, les abeilles solitaires et sauvages, pour ne citer qu’elles,
qui sont actrices de 70% de la pollinisation, passent l’hiver dans le sol, un
seul labour suffit à détruire leur habitat.
Les arbres, souvent
abattus pour laisser place à des champs cultivés en sol nus, apportent la
matière organique en quantité importante et nécessaire à la structure de la
terre. La lignine, un composant du bois, est essentiel à la nourriture des
champignons. L’arbre est l’acteur essentiel dans la formation du sol, il
développe un écosystème auto fertile: production de biomasse qui nourrit la
faune, la flore et la fonge et forme ainsi l’humus. Ses racines profondes
(jusqu’à 150m pour un chêne) régulent le cycle de l’eau et forment les argiles.
Les vers de terre à eux
seuls peuvent apporter 600 kg d’azote à l’hectare et par an (Marcel
Bouché : Des vers de Terre et des hommes) de façon graduelle et
immédiatement assimilable par les plantes, ils ne sont que très rarement cités dans le
cycle de cet élément indispensable ; ils sont tués, entre autre, par
l’épandage de cuivre.
En occident, peut-être
pensons-nous être à l’abri d’une pénurie alimentaire, parce que jusqu’à présent
nous pouvons importer notre nourriture à des prix dérisoire, ce qui concurrence
de façon très déloyale toutes les fermes à taille humaine, en France. Je ne
citerai qu’un exemple : le kilo de melon est acheté 0,10 centimes d’euros
au Maroc et revendu en France 2,90 d’euros. Combien de temps ces populations
vont elles supporter notre colonisation implicite?
Depuis 2012, à Tourves
dans le Var, j’expérimente et j’applique des systèmes régénératifs de sol sur
2ha7, (voir la description du projet et son développement). J’y ai planté, semé
ou bouturé 250 arbres fruitiers et forestiers, la plantation de 500 autres
arbres est prévue à l’automne 2015.
La matière organique ne pouvant pas encore
être totalement produite sur place des élagueurs déposent des branchages
et parfois du broya qui servent au
mulchage des arbres et des légumes. Le sol est donc couvert en permanence et
son travail y est uniquement biologique. Cet écosystème nourricier fonctionne
donc en grande partie à l’énergie organique solaire. J’ai implanté des arbres, qui sont
des plantes pérennes par excellence, en fonction de critères précis.
Dans le climat
méditerranéen cette réalisation et cette expérimentation sur la régénération
des sols et des cultures diversifiées de plein champ en autonomie, est d’autant
plus importante à mener dés maintenant du fait :
- de la croissance plus
lente des plantes, la conjonction chaleur-humidité étant peu fréquente sur une
année.
- D’une forêt fragilisée,
les essences de pins y sont nombreuses, plusieurs projets sont en cours pour
produire de l’électricité à partir de la biomasse.
- de sols très dégradés,
dépourvus de matière organique et qui ne retiennent plus l’eau lors des fortes
et soudaines précipitations, ce qui occasionne de plus en plus d’inondations.
- de sols où la culture de légumes annuels,
nécessite beaucoup d’eau.
- d’une population sans
cesse en augmentation, avec des besoins en eau toujours croissants et une
fréquentation touristique qui accroît ces besoins au moment de la saison sèche.
Tout est en synergie et
nous sommes interdépendants les uns des autres, mon travaille consiste le plus
souvent à apporter et prévoir la nourriture au sein de l’écosystème afin d’y
soutenir la vie en expansion.